top of page

10 propositions pour changer l'école


​Décrochage dans les comparaisons internationales, décrochage d’une partie des élèves…l’école est en crise et la succession de réformes semble apporter plus de crispation que de solutions. Le livre de Marie Durut-Bellat et Francois Dubet , reprend les finalités de l’école et propose dix pistes d’actions pour que l’école puisse « préparer à la vie » et répondre à ses promesses d’efficacité et de justice.

Les deux sociologues de l’éducation ne proposent pas de recettes miracles mais s’appuient sur la recherche pour revenir aux questions fondamentales et analyser les leviers de transformation et les résistances.

Ce livre rapide à lire n’hésite pas à bousculer et à mettre en lumière les difficultés à faire bouger le système. Il est aussi, en montrant des pistes à explorer (et déjà en œuvre dans certains établissements) plein d’optimisme et c’est là un bon déclencheur pour ré enchanter l’école.

1. Transmettre et préparer à la vie

Les attentats de janvier 2015 ont interpellé l’école sur ces finalités. Au delà des objectifs chiffrés « que voulons-nous permettre aux jeunes d’acquérir, pour quels avantages privés et pour quel bénéfice pour le pays ? » A ces questions primordiales, les auteurs affirment que l’école doit préparer les jeunes à la vie. Pour cela elle doit établir des liens entre les savoirs et la réalité qui les entoure, elle doit transmettre l’héritage des connaissances et donner du sens aux disciplines pour susciter chez les jeunes des interrogations, donner des clés pour comprendre le présent et mieux vivre ensemble. Pour cela, des projets transdisciplinaires, des passages entre la théorie et la pratique expérimentale et l’organisation autour d’un socle commun centré sur les acquisitions permettraient de faire progresser tous les élèves sans rien enlever aux plus forts.

2. Donner toute sa place à la pédagogie

La recherche démontre que le climat de la classe va de pair avec les performances scolaires. Viser le bien être des élèves, valoriser toutes les formes d’aptitudes, encourager, donner du sens, ne pas instaurer compétition et classement est fondamental pour instaurer un climat de confiance. Ce n’est pas de la démagogie mais essentiel à l’apprentissage. Les méthodes doivent être variées mais toujours susciter l’engagement des élèves dans un travail coopératif qui s’avère bénéfique d’un point de vue cognitif comme civique. Pour conjuguer excellence disciplinaire et expertise pédagogique les enseignants doivent être formés à la psychologie des apprentissages et avoir une autonomie d’exercice.

3. Repenser la formation au métier d’enseigner

Le métier d’enseignant a profondément changé sous l’effet de la massification scolaire. On ne peut aujourd’hui user des pratiques pédagogiques qui fonctionnent plus ou moins bien pour 10 à 20% d’une génération, alors même que tous les élèves s’engagent dans une longue scolarité. Le métier des enseignants s’est élargi sous l’effet des mutations de l’école, ils doivent construire un travail d’équipe, être en relations avec les parents et les partenaires, tirer parti des nouvelles technologies, aider à une orientation complexe….mais ils sont encore recrutés à bac plus cinq sur une compétence disciplinaire qu’ils doivent ensuite convertir en profession. Les auteurs préconisent à l’instar des écoles, de placer le concours au début des études qui formeraient au métier d’enseigner sans sacrifier aux exigences disciplinaires. Cette formule permettrait de faire de nombreux stages afin de savoir tôt si l’on aime enseigner, elle proposerait une formation en psychologie, en sciences sociales, en sciences de l’éducation, en neurosciences. Elle faciliterait la bivalence et la polyvalence disciplinaire ainsi que la mobilité entre les différents niveaux d’enseignements et les différents corps. Elle rendrait la vie de nombreux enseignants plus aisée en réduisant la tension entre l’idéal professionnel et les expériences du métiers.

4. Eduquer ensemble

Jouer la carte de l’hétérogénéité dans les classes afin que les élèves apprennent ensemble. La recherche a montré que l’hétérogénéité des classes faisait davantage gagner aux plus faibles qu’elle ne fait perdre aux plus forts. Dans les établissements plus hétérogènes les jeunes de milieux défavorisés adhèrent plus aux normes scolaires et ont des projets d’orientation plus ouverts et ambitieux. Au delà des apprentissages, la mixité sociale devrait être le contexte normal de la formation d’une génération amenée à vivre ensemble. Pour éviter les ghettos, les stratégies d’évitement et le niveau d’inégalités sociales, il faut égaliser la qualité des établissements avec une offre d’options attractives et redéfinir la carte scolaire en vue d’une plus grande mixité sociale.

5. Construire l’égalité des sexes

Les inégalités entre filles et garçons sont paradoxales. Les filles font des études plus longues, sont plus à l’aise à l’écrit et réussissent mieux que les garçons mais elles sont sous représentées dans les filières élitistes au sommet de la pyramide scolaire. L’école doit garantir effectivement l’égalité des chances et l’égalité de traitement. Sans entrer dans le débat sur la ressemblance absolue versus la complémentarité, les auteurs insistent sur le rôle de « conscientisation » de l’école sur les rouage des inégalités hommes/femmes et leurs conséquences afin que les futurs adultes cherchent à y remédier.

6. Former des citoyens

Les attentats de janvier 2005 ainsi que les incidents lors de la minute de silence ont ravivé le débat sur la laïcité à l’école. La laïcité à la française suppose la distinction d’un espace public laïque et l’acceptation des pratiques religieuse dans l’espace privé. La laïcité est aujourd’hui remise en cause dans le sens où la société n’assure plus une intégration sociale et ne tient pas ses promesses d’égalité. Mais l’on ne peut « apprendre » la citoyenneté et la laïcité en écoutant un cours. La citoyenneté est une manière de vivre ensemble, elle doit se vivre à l’école en donnant l’occasion aux élèves d’agir comme des citoyens, de mener des projets en collaborant entre eux et avec les adultes dans et hors de l’école . Ces activités ne doivent pas être liées à l’initiative de certains enseignan tsmais participer à l’éducation au même titre que les maths ou le français. Pour cela, encore, les enseignants doivent être formés et accompagnés pour fonctionner comme des communautés éducatives.

7. Combattre l’hégémonie du diplôme

Les auteurs dénoncent les conséquences sociales liées à une course au diplôme dans une société où il est le sésame de la réussite économique et sociale. La course au diplôme génère stratégies (pour le choix de l’établissement, des options..) et compétition méritocratique. Elle est source d’échecs inévitables (il faut bien des derniers !), d’orientations subies (avec de très rares passerelles ), d’angoisses et de pessimisme quant à l’avenir. Elle va à l’encontre d’une formation de qualité et d’une adéquation avec les besoins du monde professionnel car la sélection ne se fait que sur un nombre restreint de compétences compartimentées et abstraites. Ces dernières ne sont pas toujours utiles sur le marche du travail présent et futur, ni dans la vie de tous les jours (fiabilité, capacité à travailler en équipe…). Le déclassement de ceux qui ont « échoués » mine la confiance et le sens civique et à un coût économique et social considérable. Les auteurs préconisent de distinguer un temps pour l’éducation, un temps pour l’orientation vers des emplois et des temps pour la formation professionnelle. Une formation générale avec un niveau général solide permettant des réorientations, une formation ouverte sur le monde professionnel avec des projets pluridisciplinaires pour tous les élèves ; Une sélection moins scolaire avec des structures communes permettant l’accès à de grands ensemble de professions (social, industrie, administration…) et combinant stages intensifs et contenus académiques ; Enfin une formation continue pour tous qui serait une alternative à la formation initiale et permettrait que le diplôme ait moins de poids dans le recrutement comme dans l’avenir professionnel. « Une société diversifiant les épreuves et multipliant les voies d’accès à l’emploi serait moins injuste et moins rigide qu’une société confiant à une seule institution le pouvoir de décider du sort des individus ».

8. Bâtir une école plus juste

Les comparaisons internationales ont montré que l’école française aggravait les inégalités sociales d’origine. La compétition méritocratique élimine et elle remet en cause la confiance dans la capacité de l’école à assurer l’égalité des chances. La production d’une élite est une bonne chose en soi mais le problème de l’école française est que son fonctionnement entier repose sur cette (re)production des élites en disqualifiant pour toujours tous ceux qui ne réussissent pas dans quelques disciplines phares à un moment donné. Les auteurs proposent de créer, à coté du socle commun, des modules permettant de faire plus de ce que l’on aime et où l’on est bon. Ces modules permettrait aux élèves de faire des choix, d’attirer des élèves dans des établissements plus difficiles et pourraient développer des compétences moins académiques par exemple autour de projets en sciences, en sport, en langues… L’articulation entre un socle commun et des modules permettrait à l’élève de construire son profil, et son projet en mesurant ses compétences et ses gouts.

9. Réinventer l’institution scolaire

Les auteurs invitent à réinventer l'institution scolaire autour des idées d'autonomie et d'équipes. Il faut pour eux changer le statut des enseignants afin que leur travail réel corresponde au travail prescrit. Le travail « supplémentaire » (travail en équipe, rencontre avec les parents, les travailleurs sociaux, formation, engagement dans des projets …) ne doit pas reposer sur la bonne volonté des individus et sur le climat porteur de tel établissement. Le système fonctionnant sur des bonnes volontés (et celles-ci finissent par s’épuiser) dans un système où les chefs d’établissements n’ont pas de pouvoir et où ce travail réel n’est ni exigé, ni reconnu. L’évolution du statut d’enseignant permettrait une évolution et un changement de métier au cours de carrière.

Il faut aussi, pour les auteurs, changer le mode d'affectation pour que les équipes se choisissent et que des communautés éducatives puissent fonctionner de façon plus autonome autour de projets.

10. Rétablir la confiance démocratique

Pour les deux sociologues, l’école est l’affaire de tous et il faut élargir la communauté éducative. Les parents devraient être associé afin de savoir ce que l’on fait à l’école, quelles sont les méthodes, les attentes vis à vis des jeunes et d’eux mêmes. Cette association permettrait de restaurer la confiance dans l’école. Cette confiance passe aussi par un débat sur les finalités de l’école ouvert aux parents et aux élèves mais aussi aux employeurs, aux mouvements d’éducation populaire, aux mouvements pédagogiques. Ces débats, sans empiéter sur l’autonomie et le professionnalisme des enseignants, permettraient d’associer tous les citoyens à un des rares champ qui reste encore de la souveraineté de l’Etat.


posts récents
Archives
 Tags
Pas encore de mots-clés.
bottom of page