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Pourquoi développer la pensée créative dans l’éducation ?

Un des termes phare de la réforme du collège qui sera mise en oeuvre à partir de septembre 2016 est le mot créativité.

Quel rapport la créativité entretient-elle avec l'éducation ? Pourquoi est - il important de développer la pensée créative dans la formation des jeunes ?

La société, l’économie, la planète font face à des défis sans précédents. Les relever nécessite de trouver des solutions innovantes Former des individus créatifs en pensée et en comportement, des citoyens et des acteurs économiques du 21è siècle est, au- delà d’une nécessité éducative, un enjeu économique et social.

Former une nouvelle génération qui soit plus créative permettrait de développer des compétences de travail collaboratif, d’ouverture et de confiance en l’autre nécessaires à l’expression du potentiel individuel et collectif. Au delà de l’enseignement, la vocation de l’école est d’éduquer, de faire grandir chacun afin qu’il trouve sa place.

L’Europe s’est saisie de ces priorités en lançant en 2009 « l’année européenne de la créativité et de l’innovation » Des initiatives ont alors été mises en valeur[1]. Un rapport de l’OCDE [2] a exploré de nombreuses pistes. Aujourd’hui, il apparaît urgent de mettre en œuvre à plus grande échelle des pédagogies favorisant la créativité.

Quel est le potentiel de la pensée créative ?

Todd Lubart[3] définit la créativité comme « la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste »

La créativité n’est pas un trait de génie[4] réservé à une élite, exprimée plus souvent dans le domaine de l’art. C’est plus largement une capacité à poser de nouvelles questions, à proposer de nouvelles solutions, de nouvelles visions.

Depuis les années 80, une approche de la créativité dite multi-variée se développe. La créativité résulterait de la combinaison entre des facteurs cognitifs (connaissances, intelligence, styles cognitifs), conatifs (caractéristiques de personnalité, motivation), émotionnels et des composantes relatives au contexte et à l'environnement.

En mobilisant à la fois la pensée métaphorique, la pensée divergente (capacité à trouver de nombreuses réponses) et des attitudes comme la prise de risque, la tolérance à l’ambiguïté, l’écoute des émotions, la créativité est à la croisée de la connaissance et de la motivation.

Ken Robinson, [5] spécialiste de la créativité et de l’innovation dans l’éducation, parle de « l’élément » comme étant « la clé du bonheur». Avec ses talents d’orateur[6], il montre la place essentielle de la créativité dans l’éducation et comment l’école devrait aider chacun à trouver son « élément »

La créativité en faisant des connections qui ne sont pas habituelles dans les savoirs existants, permet de sortir de nos schémas traditionnels. Contrairement à une vision biaisée associant la créativité au désordre, c’est un processus qui requiert de la rigueur car, si elle explore de nouvelles pistes, il faut ensuite sélectionner la voie la plus prometteuse (pensée convergente) et l’approfondir.

En utilisant un travail collaboratif et méthodique, la pensée créative repose sur l’intelligence collective. Elle sollicite la confiance et l’écoute, le développement du sens critique. L’erreur est acceptée facilitant ainsi la prise de risque et la confiance.

Les difficultés actuelles

Pourquoi, dès lors, la créativité, n’est-elle pas mise en œuvre dans des pédagogies innovantes et des apprentissages créatifs ?

Les freins sont nombreux. Notre système repose sur des disciplines (cours et examens distincts), les programmes et les emplois du temps sont très denses. De ce fait, les objectifs transversaux notés dans les programmes (favoriser la prise d’initiative…) sont sur-ajoutés et passent donc souvent aux oubliettes.

Contrairement à l’innovation qui est un processus non linéaire, l’enseignement et l’apprentissage ont été conçus de façon linéaire.

L’enseignement reste encore majoritairement frontal et les outils pédagogiques sont souvent des textes (issus de manuels, de la production des enseignants et des moteurs de recherche). La culture scolaire ne favorise pas l’émergence de nouvelles méthodes et les activités transdisciplinaires, les expérimentations, les jeux, les interventions d’ « experts » extérieurs sont peu sollicités.

En France, la maternelle fait exception mais le changement est brutal dès l’arrivée au primaire.

La logique reste une logique de compétition rendant compte des performances dans un champ disciplinaire avec des évaluations qui n’incitent pas à prendre des risques (Les enquêtes PISA[7] ont montré que les élèves français préféraient ne pas répondre plutôt que de se tromper)

Le manque de formation des enseignants génère confusion et représentation. Ainsi, les pratiques innovantes sont souvent associées aux technologies or, il est possible d’être très innovant avec n’importe quel type de ressources et l’on peut utiliser les nouvelles technologies de manière très traditionnelles.

Pour certains enfin, la prise d’initiative servirait l’entrepreneuriat et les objectifs des entreprises et, développer la créativité[8], n’est pas le rôle de l’école, lieu de transmission de savoirs.

Les pistes

Les travaux de recherche sur la créativité sont nombreux et des outils se développent permettant de mesurer l’impact de nouvelles méthodes, outil essentiel d’évaluation d’une politique éducative.

Il existe de très nombreuses initiatives portés par des enseignants « pionniers » [9] et, même si le terme créativité est quasi absent des programmes, le socle commun des connaissances et des compétences prévoit de développer « l’autonomie et l’initiative » visant à développer entre autre « curiosité et créativité »

Les expérimentations sont nombreuses au niveau national avec les écoles Freinet et Montessori qui trouvent une nouvelle jeunesse, un établissement comme le collège Clisthène à Bordeaux[10], les projets comme La main à la pâte[11], Course en cours[12], Entreprendre pour apprendre[13]et de nombreuses initiatives d’enseignants.

A l’étranger les programmes Reggio Emilia [14](Italie), Escuela Nueva [15](Colombie), Design for Change [16](Inde) se sont développées bien au delà de leur pays d’origine.

Au delà de ces initiatives, quels changements impulser pour développer une pédagogie de la créativité ?

Introduire de l’interdisciplinarité et dépasser le système compétitif et l’acquisition de savoirs disciplinaire en introduisant des activités mobilisant des savoirs divers est un premier axe. Développer la créativité, c’est apprendre à explorer, à découvrir, à faire des hypothèses. Pour cela, il faut engager les élèves dans des projets, des expérimentations, les confronter à des problèmes réels qui suscitent leur intérêt et leur motivation à rechercher des solutions innovantes.

Dans l’expérimentation et le projet, les élèves apprennent à s’investir dans un processus rigoureux et exigeant, ils acceptent l’erreur qui permet de progresser, ils voient la valeur de l’effort et de la persévérance, ils acquièrent des méthodes et des compétences qu’ils pourront appliquer dans d’autres domaines tout au long de leurs vies. En développant des compétences transversales et la polyvalence des jeunes, on leur permet de trouver leur « voie » et on accroit leur « employabilité »

Les idées créatives viennent de l’interaction entre des individus et savoirs différents. Le travail doit être plus collaboratif et coopératif. Apprendre à faire confiance, construire sur les idées des autres, découvrir et comparer permet de développer l’esprit critique et d’exercer une intelligence collective.

Les nouvelles technologies et les outils collaboratifs en ligne (wiki, plateforme d’échange de savoirs, ressources partagées) permettent ce partage constructif et ces interactions créatives et non seulement des contacts sociaux sur les réseaux.

Le numérique bouscule l’apprentissage car le savoir est disponible en ligne en quantité illimitée. Il est nécessaire d’enseigner comment maitriser les flux d’informations, afin qu’ils alimentent le questionnement et la créativité. Il est démontré que la mémorisation est bien meilleur est plus durable quand la recherche et l’interaction ont été mise en œuvre. Aujourd’hui, pour chercher des solutions créatives aux problèmes, il ne suffit pas de mémoriser des faits, il faut savoir apprendre, analyser et sélectionner l’information.

Le numérique est plus qu’un outil au service de l’éducation et il est nécessaire de développer des technologies et des méthodes pour l’éducation et non seulement adapter à l’éducation des technologies développées dans d’autres buts [17]

Le savoir partagé et les apprentissages coopératifs[18] impliquent aussi d’ouvrir les horizons de l’école à d’autres « cultures » en échangeant avec des organisations et des individus extérieurs au système scolaire, sur leurs problématiques concrètes. Cela peut être l’occasion de collaborer pour leur trouver des solutions innovantes.

Développer la créativité dans l’éducation nécessite de former les enseignants aux méthodes de créativité et au travail collaboratif. Il faut les encourager à prendre des risques pour qu’ils se lancent eux-mêmes dans des pédagogies innovantes. Pour cela, il faut laisser du temps dans les emplois du temps et dans les programmes au travail en équipe sur des projets interdisciplinaires. Là encore les échanges de ressources sur internet permettent le partage et la création de communauté apprenante.[19]

Dans une large mesure, la créativité n’est pas seulement une façon de penser (…) c’est plutôt une attitude face à la vie (Sternberg & Lubart, 1996)[20].

L’école doit permettre de développer le potentiel créatif des élèves pour former des citoyens engagés, acteurs de l’économie de demain. Ayant confiance dans leurs capacités créatives, ils verront les évolutions contemporaines comme des défis à relever. C’est aujourd’hui une urgence : elle nécessite une volonté de tous les acteurs de l’éducation.

« Les individus créatifs sont créatifs en grande partie parce qu’ils ont décidé de l’être » Sterberg[21]

[2] TADDEI F. 2009, Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : Un défi majeur pour l’éducation du 21 è siècle, Paris, OCDE

[3] LUBART T. 2010, Psychologie de la créativité, Cursus Armand Colin

[4] Elisabeth Gilbert, conférence TED 2009

[5] ARONICA L.ROBINSON K. (2013 ) L'Élément : Quand trouver sa voie peut tout changer ! Playbac

[6] Ken Robinson (2013)La créativité : pourquoi et comment ? https://www.youtube.com/watch?v=4u9Yz3lfeUw

Ken Robinson (2011). Changing Education Paradigms, https://www.youtube.com/watch?v=e1LRrVYb8IE

[7] Principaux résulats de l’enqute PISA 2012 , OCDE, http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results-overview-FR.pdf

[8] Brighelli J.P. (2005) La fabrique du crétin, Ed° J.C. Dawsewitch

[9] le ministère les repère grâce à un réseau de conseillers académiques en Recherche-développement, innovation et expérimentation (CARDIE)

[14] Méthode Reggio Emilia http://zerosei.comune.re.it/inter/index.htm

[16] Design for change http://www.dfcworld.com

[17] Taddei F (2009) Former des constructeurs de savoirs collaboratifs et créatifs : Un défi pour l’éducation du 21è siècle. OCDE

[18] Sahlberg Pasi (2011) Creativity in Innovation through lifelong learning Lifelong Learning in Europe Vol 16

[20] Sternberg R.J. &Lubart T. (1996) Investing in Creativity, American Psychologist,51 (7), 677-688

[21] Sterberg R.J.(2003) Creative Thinking in the Classroom, Scandinavian Journal of Educational Research, p 325-338 Sterberg ). Sterberg dénombre 12 décisiosn qui sous sous-tendent la pensée créative : 1.redéfinir les problèmes 2.analyser ses propres idées 3.faire connaitre ses idées 4.considérer la connaissance comme une épée à double tranchant 5.surmonter les obstacles 6.prendre des risques 7.avoir la volonté d’évoluer 8.croire en soi-même 9 tolérer les ambigüités 10. trouver ce qu’on apprécie de faire, et le faire 11.s’autoriser à prendre le temps 12. s’autoriser à faire des erreurs

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