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Qu’est-ce qu’un bon prof ?


Avec l’été et la fin des examens arrive le temps de la préparation de l’année scolaire suivante et celui, incontournable, d’une analyse réflexive de l’année écoulée.

L’enseignant est un chercheur qui expérimente et fait évoluer son métier en fonction de son expérience et de ses élèves mais aussi à la lumière des avancées en sciences cognitives et en pédagogie. L’évaluation et la prise de recul estivale sont essentielles pour réfléchir, innover et chercher encore et toujours à être un bon prof !

Mais qu’est ce qu’un bon prof ?

A l’occasion du colloque conclusif du séminaire « École et République » du Collège des Bernardins (1) Philippe Watrelot, professeur agrégé de Sciences économiques et sociales, Professeur en temps partagé à l’ESPÉ de Paris, nous a donné cinq pistes qu’il est bon de rappeler à l’aide du texte de son intervention ci dessous.

En 2010, je rédigeais sur mon blog un texte avec pour titre « Qu’est-ce qu’un bon prof ? ». Depuis, dans les statistiques du site, c’est l’article le plus consulté !

Même si on ne peut pas exclure que ce texte dise des choses intéressantes, c’est surtout la preuve que cette question interpelle. Tout le monde a un avis là-dessus, jeunes et vieux, en se basant sur les bons ou mauvais souvenirs de son expérience scolaire. Si vous avez des enfants de tous âges dans votre entourage, faites l’expérience. Posez la question et vous aurez toujours des réponses intéressantes et même des débats passionnés !

Approfondissons aujourd’hui la question : qu’est-ce qu’un bon prof pour demain ?

Je ne suis pas un chercheur ni même un « expert ». Je suis enseignant et formateur et simplement un praticien qui réfléchit et qui considère que son métier doit évoluer. Pour moi, l’enseignant de demain devrait orienter son action dans cinq directions.

  • « Faire apprendre »

L’enseignant ne peut plus aujourd’hui considérer que la « classe » et l’élève sont un vase qu’on remplit. Le modèle transmissif de « l’empreinte » où on voit le cerveau de l’élève comme une « cire molle » trouve très vite ses limites.

Suffit-il que l’« apprenant » écoute attentivement un exposé magistral pour mémoriser et se resservir ensuite de ce qu’il a appris ?

Tous les élèves n’ont pas le même rapport au savoir et n’ont pas non plus le même profil d’apprentissage. Et l’enseignant, s’il doit bien sûr maîtriser les savoirs savants et l’excellence académique, doit surtout être un spécialiste du « faire apprendre ».

Cela signifie que pour être professeur, on doit avoir une connaissance de ce que sont les mécanismes de l’apprentissage, les principales théories qui y sont rattachées pour comprendre ce qui peut éventuellement bloquer ou empêcher un élève d’apprendre.

Pour se prémunir aussi contre la naturalisation de la difficulté scolaire (« il n’est pas doué », « il ne fait pas assez d’efforts ») il faut également avoir conscience des déterminants sociaux qui agissent dans le rapport à l’école.

Cela suppose aussi qu’on soit capable d’évaluer avec les outils les plus appropriés les apprentissages en train de se faire et qu’on ait la capacité de différencier sa pédagogie pour apporter une aide et de l’accompagnement à chacun. Car la « classe » n’existe pas, du moins comme un tout homogène.

  • « Faire la classe »

En revanche, savoir gérer une classe est une compétence indispensable. Même si la maîtrise des contenus enseignés peut contribuer à donner de l’autorité et de l’assurance, cela passe aussi par la nécessité de réfléchir aux questions d’autorité et à la nécessité de fixer un « cadre » pour les apprentissages et l’apprentissage de techniques destinées à anticiper et gérer d’éventuels conflits.

Faire la classe, c’est aussi proposer des dispositifs et des supports variés pour combattre un éventuel ennui des élèves et offrir aussi par ce biais des opportunités différentes d’apprendre.

Mais toutes les techniques et tous les dispositifs ne se valent pas. Ils doivent être aussi évalués sous l’angle des valeurs que l’on veut privilégier dans la classe.

On peut construire une classe avec des valeurs de compétition ou au contraire avec des valeurs de coopération. Cela suppose une réflexion plus globale sur la déontologie et sur les valeurs de la République.

  • « Faire équipe »

L’image de l’enseignant est associée à un exercice solitaire du métier. On est seul dans sa classe et on est supposé être le seul concepteur de son cours et de ses supports. Cette vision est en train d’évoluer.

Dans toutes les disciplines d’enseignement, on trouve aujourd’hui des pratiques de mutualisation plus répandues qu’avant, notamment grâce aux réseaux sociaux. Le travail en équipe devient donc un atout pour une plus grande efficacité et favorise aussi souvent une posture réflexive sur son propre travail.

L’équipe peut prendre différentes formes : l’équipe enseignante et éducative autour d’une même classe est la forme la plus répandue.

La coordination des actions, l’échange d’informations, l’aide et l’accompagnement, l’orientation, l’innovation… sont autant de domaines où le travail d’équipe est nécessaire. Et celui-ci s’apprend.

  • « Faire alliance »

Un établissement scolaire n’est ni une citadelle, ni un « sanctuaire ». De nombreux travaux ont montré qu’une des clés de la réussite des élèves était l’attitude positive des parents à l’égard de l’école.

Les enseignants doivent donc être capables de construire des relations avec les parents, de « faire alliance » avec eux pour favoriser la réussite. Il en est de même avec les partenaires avec lesquels l’école est en contact.

Il s’agit aussi bien des collectivités locales dans lesquelles les établissements sont insérés, que des services sociaux voire de police ou de justice.

Le partenariat peut aussi s’exprimer avec le monde économique ou culturel ou encore le monde associatif. Là aussi, ces démarches supposent un apprentissage et une formation initiale ou continue.

  • « Faire évoluer sa pratique »

On n’est jamais formé une fois pour toutes. Il importe de sans cesse analyser sa pratique, d’avoir du recul et de se mettre dans une posture réflexive.

C’est particulièrement vrai au début et c’est la raison pour laquelle, la formation se fait en alternance. Mais cela reste une nécessité tout au long de sa carrière. C’est pourquoi on doit plutôt penser la formation comme un continuum que comme une période spécifique.

Les compétences listées dans le référentiel se construisent au long cours et il serait illusoire de penser qu’on les maîtrise toutes à l’issue de l’année de stage.

C’est parce qu’on est dans cette posture de recherche permanente qu’on ne cesse de lire et d’échanger sur les questions pédagogiques, que l’on peut aussi « innover ».

Se mettre dans une logique de recherche et d’expérimentation, formuler des hypothèses, produire soi-même des travaux de recherche est donc indispensable.

Et si nous étions tous, au sens plein du terme, des « enseignants-chercheurs » ? Car finalement, un enseignant innovant ce serait d’abord un enseignant qui considère que rien n’est jamais acquis et qui est capable de se remettre en question.

(1) Colloque conclusif « Scénarios pour une nouvelle école » organisé le 23 juin 2016, suite à deux années de réflexion du séminaire « École et République » du Collège des Bernardins qui se proposait d’analyser la relation entre l’école et la République. Le colloque était organisé par Bernard Hugonnier et de Gemma Serrano, co directeurs du séminaire.

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